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CCEF 2016 : à quoi servent les conseillers du commerce extérieur ?

Les 6 et 7 octobre prochains, un millier de conseillers du Commerce extérieur de la France (CCEF) venus des quatre coins du monde sont attendus à Deauville pour leur premier rassemblement mondial organisé sur le sol français à l’initiative de leur Comité national. Une occasion de se pencher sur l’utilité d’une institution qui vit une renaissance depuis deux ans. Enquête et témoignages.

 

« Notre Mondial de Deauville tombe bien dans le timing avec ce thème ‘autre monde, nouvelle France’ ». À quelques semaines de la tenue du premier rassemblement mondial des conseillers du Commerce extérieur (CCE), Alain Bentéjac, qui préside leur Comité national (Cnccef) depuis juin 2014, veut croire que cet événement inédit depuis la création de cette institution plus que centenaire, sera une occasion de faire remonter des visions positives de la mondialisation et des atouts de la France et de ses entreprises à l’international.

Car comme beaucoup dans l’écosystème du commerce extérieur français, celui qui co-préside également le groupe d’ingénierie international Artelia est convaincu – tout en le déplorant –, que comme aux États-Unis avec l’émergence du candidat populiste Donald Trump, les thèmes du « repli sur soi » et du « protectionnisme » seront au cœur de la prochaine campagne électorale en France, avec son lot de simplifications excessives et de formules à l’emporte-pièce.

Dans ce contexte politique qui s’annonce tout aussi étouffant que la canicule qui s’est abattue sur l’Hexagone fin août, faire entendre une autre voix jusqu’auprès de dirigeants de PME jugés encore trop peu nombreux à oser l’export, quoi de plus évident pour un CCE, pour qui l’ouverture aux marchés internationaux est plus que jamais une nécessité ?

De fait c’est dans l’ADN de cette institution, qui a été créée en 1898, au même moment qu’un Office national du commerce extérieur auquel elle a été rattachée, pour contribuer à redonner le goût de l’international à des Français encore abattus par la défaite contre la Prusse en 1870 *. Tout un symbole alors que l’Allemagne est sans cesse érigée en modèle à suivre !

Les CCE sont bien placés pour le faire car ils savent de quoi ils parlent : chefs d’entreprises internationalisées, directeurs export, patrons de filiales à l’étranger, consultants, avocats, actifs ou retraités… Ils sont un peu plus de 4000, nommés par décret du Premier ministre mais bénévoles, à s’être engagés à contribuer au soutien du commerce extérieur de l’Hexagone. Plus des deux tiers résident à l’étranger, dans 144 pays, un tiers étant basé en France, sur tout le territoire (voir Repère).

Au fil des années, les missions confiées par les pouvoirs publics ont évolué : depuis 2015, ils sont ainsi chargés de contribuer à faire la promotion de l’attractivité de la France à l’étranger et en particulier lutter contre le « french bashing » qui a cours dans la presse anglo-saxonne. Elle s’ajoute à d’autres missions plus anciennes : le conseil aux pouvoirs publics, l’appui aux entreprises et la formation des jeunes à l’international.

Mais, conseiller les pouvoirs publics est leur première mission cardinale. Les chefs des services économiques en poste à l’étranger ne s’y trompent pas et les consultent régulièrement depuis longtemps : ils continuent à le faire désormais sous la houlette des ambassadeurs.

Moins évidente en France, voire tombée en désuétude, cette mission a trouvé une nouvelle vigueur depuis deux ans avec l’instauration de réunions de travail trimestrielles entre le Comité national et les représentants des ministères de Bercy (DG Trésor) et du Quai d’Orsay. Les sujets abordés sont très divers, allant des problèmes posés par les pays sous sanctions aux réglementations douanières en passant par les réformes des aides à l’export. Une occasion d’y faire passer des messages remontés de la base.

À titre d’exemple, pour le transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance, importante réforme du dispositif de financement export français, « nous n’avons pas été des acteurs clés mais nous avons été précurseurs et forces de recommandation », souligne le président du Cnccef. Dernièrement, suite à des informations remontées par le réseau d’Afrique, ce dernier aurait alerté Bercy sur des problèmes de disponibilités de devises en zone CFA. « On est sur des sujets très concrets », souligne Alain Bentéjac.

L’appui aux entreprises – avec priorité aux PME – est prodigué pour sa part sous la forme de parrainage, et la formation des jeunes à l’international s’effectue via des conférences ou des cours dans les établissements scolaires du secondaire et du supérieur sur tout le territoire. Autant d’occasions de prêcher une parole issue d’expériences « terrain », d’autant plus crédible qu’elle est désintéressée : « C’est important de rappeler que nous ne sommes pas des professionnels : nous délivrons des conseils bénévolement et gratuitement, insiste Alain Bentéjac. Nous intervenons en complément des organismes d’aide à l’export ».

Dans le domaine de l’appui aux PME, ils ont en effet un rôle unique à jouer : « La vraie valeur ajoutée qu’apporte un CCE, c’est la compréhension de l’environnement dans lequel il se trouve » estime Emmanuel Montanié, le directeur général du Cnccef. Ajoutez à cela un carnet d’adresses qui peut faciliter l’ouverture de quelques portes… Lui-même CCE, Alain Renck, le directeur international de Bpifrance, les associe aux missions de prospection très sélectives qu’il organise avec Business France pour des PME à l’étranger : ils font partie des premiers interlocuteurs des entrepreneurs lors de séances préparatoires par visio-conférences et sont inclus dans le programme une fois sur place. « Je pourrais vous citer des cas de missions à l’étranger qui ont permis à certains de nos clients de décrocher des contrats grâce à l’appui de CCE, souligne-t-il. Le CCE ouvre des portes fermées à Business France, il a un apport très technique et professionnel, c’est un vrai plus ».

Cette expérience est également précieuse pour sensibiliser les jeunes aux opportunités de l’international et les former aux bonnes pratiques des affaires : quelque 18 000 d’entre eux, du collégien à l’étudiant bac +5, sont ainsi touchés par les CCE chaque année. Une mission qui mobiliserait quelque 600 conseillers, majoritairement basés en France, pour des exposés ponctuels ou des enseignements plus formels. « C’est une mission très pratiquée en France et nous essayons de la développer à l’étranger, avec les nouveaux campus qu’ouvrent les grandes écoles françaises, explique Alain Bentéjac. Mais nous en sommes aux prémisses ».

Les CCE se sentent d’autant plus légitimes à faire entendre leur voix qu’ils se présentent aujourd’hui sous un nouveau jour. Depuis l’élection à la présidence du Comité national d’Alain Bentéjac, l’institution vit une période de dépoussiérage et de revitalisation accélérée, symbolisée par son changement de logo : deux « c » et un troisième inversé pour former le « e » d’extérieur, bleu-blanc-rouge, une signature plus aérienne et moderne que le précédent. Les instances dirigeantes ont été renouvelées, des commissions thématiques (une pour chaque grande mission) et par zones géographiques animées par de nouveaux conseillers ont été mises en place, qui planchent sur tous les sujets importants via des groupes de travail. Une réforme des statuts a été adoptée lors de la dernière assemblée générale pour moderniser le fonctionnement de l’institution et unifier son organisation. Symbole de cette réforme, l’unification des appellations des instances locales : finies les « sections » à l’étranger, elles s’appelleront toutes « comités », comme en France.

Les conseillers, qu’ils soient « actifs » (en activité) ou « honoraires » (retraités), sont désormais priés de participer concrètement, d’une manière ou d’une autre, à l’accomplissement des missions qui leur sont confiées. Gare aux mondains qui parasitent les cocktails. « Ceux qui ne font rien risquent de ne pas être renouvelés », prévient Alain Taïeb, vice-président du Cnccef et président de la Commission PME, par ailleurs P-dg de Mobilitas, groupe international spécialisé dans les services liés à la mobilité des entreprises. « Le renouvellement n’est pas une formalité, il y a déjà des cas de rejet pour des raisons d’absence d’activité au sein du réseau ou de changement d’activité professionnelle », confirme Alain Bentéjac.

Gare aussi aux purs affairistes qui ne rejoindraient ce réseau que pour y faire du business. Un comité d’éthique créé dans le cadre de la réforme des statuts va désormais examiner les dossiers délicats. Composé de six membres – 4 conseillers (dont seulement deux membres du conseil d’administration), un représentant du Quai d’Orsay et un de Bercy –, ses avis seront consultatifs mais le président du Comité national s’est engagé à les suivre systématiquement.

Certes, « on nous recrute parce qu’on est des super-commerçants et l’on voudrait que l’on cesse de l’être une fois nommés ? » remarque Alain Taïeb. Mais, ajoute-t-il immédiatement, l’engagement d’un conseiller va au-delà, pour servir l’intérêt général : « On est issu d’entreprises françaises ou à racines françaises : le rayonnement français rejaillit sur les entreprises et le rayonnement de ces dernières rejaillit sur la France », souligne Alain Taïeb.

« J’ai bénéficié des conseils et des appuis des CCE et j’ai toujours dit que je rendrai ce que l’on m’a donné », souligne pour sa part Jean-Jacques Lestrade, président de la Commission Afrique du Cnccef, qui a pris en charge la supervision du Mondial des CCE de Deauville, ce qui représente un gros investissement en temps pour celui qui préside le conseil de surveillance du groupe Ponticelli.

Reste à faire mieux connaître ce réseau unique, qui souffre encore d’un déficit de notoriété parmi les entreprises en France, notamment celles qui débutent à l’international. « On a le sentiment qu’il n’est pas assez sollicité », confirme Jean-Jacques Lestrade, qui espère que l’événement de Deauville, qui est ouvert aux non-CCE, permettra de mieux les faire connaître.
Une convention de partenariat signée le 11 mars 2015 avec Business France leur a redonné une place importante dans le dispositif d’appui à l’export. Depuis, le Cnccef multiplie les rapprochements avec d’autres organismes : le dernier en date remonte au 30 août, avec les signatures d’une convention de partenariat avec le Medef et Medef International.

Mais le Mondial sera l’occasion de montrer les nouvelles facettes de ce réseau et de resserrer ses rangs. Pour Alain Bentéjac, le maître mot est « un seul réseau », favoriser les passerelles et les synergies entre les conseillers en France et ceux à l’étranger pour mettre fin à la dispersion. Il reste encore du pain sur la planche, notamment en France, où il faut l’adapter à la nouvelle carte des régions, mais le train est en marche. Les CCE sont prêts, mais encore faut-il qu’on les utilise !

Christine Gilguy

* « Du protectionnisme à la mondialisation, 1898-1998, histoire des conseillers du commerce extérieur de la France ». Livre anniversaire édité par le CNCCEF pour marquer le centenaire de l’institution.

 

Repère
Chiffres clés

Au 26 août 2016, après la dernière vague de nominations et de renouvellement par un décret du 17 août, on comptait 4034 conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) exactement dont :
• 1311 en France
• 2723 à l’étranger dans 144 pays
Avec un tel réseau de gens assez mobiles, la précieuse base de données des membres, socle de ce réseau unique au monde, doit être mise à jour en permanence. Au siège de leur Comité national, avenue Franklin Roosevelt dans le 8e arrondissement de Paris, une personne se consacre à plein temps à cette tâche. Leur annuaire est consultable en ligne, sur le site du comité (www.cnccef.org).

 

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